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Le vote en ligne utopie ou réalité ?

Le vote en ligne utopie ou réalité ?
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À l’époque des crypto-monnaies, de la réalité virtuelle et des univers immersifs, pas d’autre moyen en France d’exprimer son vote qu’à travers les urnes physiques. Alors, pourquoi un pays moderne comme la France ne s’est pas encore essayé à cette pratique ?

Qu’en est-il en France ?

Encore en 2022, les Français ont dû se déplacer pour exprimer leur voix. Alors que 5 ans plus tôt, le président Macron prévoyait d’instaurer le vote en ligne : « Nous avons besoin de numériser notre démocratie, en instituant un vote électronique qui élargira la participation, réduira les coûts des élections et modernisera l’image de la politique. ».

Mais le gouvernement de François Hollande en 2017 avait suspendu ce dispositif par crainte d’attaque de cybersécurité.

Le vote en ligne implique deux méthodes différentes. D’une part, le vote en ligne à distance, où les électeurs votent sur un site Web ou une application. De l’autre, nous avons le vote sur des machines. Celles-ci sont généralement disposées dans les bureaux de vote, et permettent de rentrer son choix électroniquement.

Le seul moyen pour les Français de voter par Internet, est s’ils vivent à l’étranger. Pour les expatriés, il suffit de fournir une adresse mail et un numéro de téléphone valides au consulat. Les électeurs reçoivent, d’une part, un identifiant par courriel, de l’autre, un mot de passe par SMS. Ils ont pu le tester pour la première fois en 2012 lors des élections législatives, avec plus de 57 % d’utilisation pour ce mode de scrutin. Mais le gouvernement de François Hollande en 2017 avait suspendu ce dispositif par crainte d’attaque de cybersécurité. Il a été relancé en 2019, avec la mise en place d’un nouveau système de vote en ligne, plus opérationnel et sécurisé.

En ce qui concerne les machines à voter, leur utilisation a été limitée depuis 2007 en raison des critiques et des inquiétudes qu’elles ont suscitées. Malgré cela, elles sont toujours en service dans environ soixante communes en France. Lors des élections municipales de 2020, près de 1,2 million d’électeurs ont dû se contenter de ce mode de scrutin, selon l’Observatoire du vote. Cependant, certaines communes ont choisi de les abandonner après plusieurs années d’utilisation en raison de leur coût élevé, comme ce fut le cas à Amiens en 2007.

En France, les avis divergent sur ces nouveaux modes de scrutin. Certains y voient un gage de modernité et la possibilité d’améliorer la participation électorale, tandis que d’autres y voient un danger. Mais qu’en est-il réellement pour les pays qui ont instauré cette pratique ?

Des exemples mondiaux à suivre ?

De nombreux pays du globe se sont essayés à cette nouvelle méthode de scrutin, certains ont vite abandonné tandis que d’autres sont parvenus à l’installer dans leur paysage politique.

Toujours en Europe, la Norvège avait tenté l’expérience avec de nombreux tests dès 2011, mais à très vite suspendu les essais

Depuis 2005, l’Estonie est le seul pays de l’Union européenne à proposer le vote en ligne en complément du vote traditionnel. Lors des dernières élections législatives de mars 2019, 44 % des Estoniens ont utilisé leur système dédié « i-Voting » pour voter en ligne. Cela est rendu possible, car l’accès à Internet est considéré comme un droit social en Estonie et les citoyens estoniens sont habitués à effectuer de nombreuses démarches en ligne.

Une autre particularité est la carte d’identité électronique dotée d’une puce et d’un code secret, qui permet notamment d’identifier les votants sur le site sécurisé des élections. L’Estonie a placé la protection de la vie privée au cœur de son système de gouvernement numérique et les données sont sécurisées, tout en restant sous le contrôle des citoyens.

Toujours en Europe, la Norvège avait tenté l’expérience avec de nombreux tests dès 2011, mais à très vite suspendu les essais. Déjà, le pays avait constaté un désintérêt total des Norvégiens, alors que l’ambition originale était de stimuler la participation. Puis en 2013, 0,75 % des votants sont parvenus à voter deux fois lors des municipales, ce qui confirme la méfiance envers cette méthode.

De son côté, le vote électronique sur machine est largement utilisé au Brésil depuis 1996. Lors de l’élection présidentielle en 2002, tous les votes se faisaient déjà par scrutin électronique. Depuis le début, il est considéré comme extrêmement sûr, comprenant une identification biométrique et des mécanismes de sécurité. Dès que l’électeur confirme son vote, celui-ci est ensuite envoyé aux serveurs du Tribunal supérieur électoral, l’institution qui assure la probité des élections.

Le système de vote brésilien est considéré comme l’un des plus avancés au monde, avec des mesures de sécurité et de cryptage pour protéger l’intégrité du processus électoral. Les machines de vote sont vérifiées avant chaque élection et des représentants de partis politiques et des experts en sécurité informatique sont présents lors de l’audit des machines pour garantir leur fiabilité.

Ces vingt dernières années, l’Inde a déployé sur son territoire plus de 1,4 million de machines à voter. Ouvrant la possibilité de s’exprimer au plus grand nombre, notamment aux électeurs isolés, elles enregistrent déjà, lors des élections générales de 2009, plus de 417 millions de votes. Un succès d’audience, mais pas vraiment de garantie démocratique. En Inde seules deux entreprises fournissent l’ensemble du marché des machines, et la plupart des technologies qu’elles mobilisent appartiennent à l’État. Ce qui peut susciter des inquiétudes quant à la possibilité de manipulation ou de piratage du processus de vote.

Le vote en ligne, une solution viable ?

Même si le vote en ligne sourit à certains pays, il reste quelques réticences. Le premier point qui revient, est la perte de l’anonymat. L’un des éléments cruciaux dans le vote en ligne est de s’assurer qu’il s’agit bien de vous lorsque vous votez, ce qui explique les nombreuses demandes d’authentification. Or, plus on est en mesure de s’assurer que c’est bien vous qui votez, moins on peut vous garantir que le vote que vous exprimez est secret. Et ce type de situation est encore plus difficile à imaginer, dans des États où le régime pourrait persécuter ses opposants et les réprimer par la suite.

La deuxième crainte, c’est le risque de cyberattaque. Le directeur de la société d’éditeur de logiciel de MCAfee, affirme qu’il est assez simple de manipuler le vote des citoyens à grande échelle via Internet, en utilisant des malwares par exemple. Cette manipulation est calquée sur le modèle des escroqueries en ligne.

Certains soulignent également la difficulté d’organiser des élections avec un système de vote électronique. Il faut sécuriser le scrutin à distance, et donc envoyer en amont des codes personnalisés, mais aussi disposer d’une plate-forme numérique capable de faire face à des connexions en simultané. Sans oublier que certaines personnes ne sont pas du tout initiées aux démarches en ligne, il faut les éduquer.

En somme, il est encore difficile pour le cas de la France d’imaginer d’intégrer le vote en ligne à l’heure actuelle. Il ne faut pas négliger que la présidentielle est l’élection la plus sensible, il serait difficile de prendre un aussi gros risque aujourd’hui pour une élection aussi importante. Avant tout, il faut pouvoir garantir le secret du vote et sa protection absolue contre les cyber-attaques. Pour engager de la confiance, on peut imaginer utiliser la blockchain. En effet, cette technologie permet de stocker à bas coûts des données numériques, de manière décentralisée et sécurisée. Il faudrait apporter la confiance via un cas d’école qui pourrait être une preuve d’un bon fonctionnement, comme le cas de l’Estonie.

Il est important de rappeler que le vote électronique ne doit pas être considéré comme la solution miracle pour résoudre les problèmes d’abstention. En effet, ce n’est pas uniquement une question technique, mais également politique. Adopter une technologie sans considérer l’ensemble des enjeux et des implications pourrait être considéré comme du solutionnisme technologique. Il est donc nécessaire d’analyser tous les aspects du système électoral, y compris les raisons de l’abstention, avant de prendre une décision quant à l’utilisation du vote électronique.